jeudi 27 novembre 2008

Pourquoi je quitte le PS (2)

Si les dégoûtés s'en vont, ne resteront plus que les dégoûtants.
Pierre Mauroy



Après Elisa Martin, élue municipale à St Martin d'Hères et démissionnaire du parti Socialiste, voici une lettre ouverte de Lucien Jay, militant de longue date au parti socialiste en isère et lui aussi démissionnaire .

En 2004, j’étais revenu au P.S., après une assez longue absence pensant que celui-ci pouvait retrouver les voies du socialisme. Pour un partage équitable des richesses, une lutte résolue contre la pauvreté et pour atténuer les désordres provoqués par les convulsions d’un marché fou, pour mettre des verrous sur les pratiques spéculatrices qui appauvrissent les population les plus vulnérables, pour la construction d’une Europe sociale (tout au moins la volonté de mettre celle-ci en avant)… et des visions et prévisions environnementales pour un monde qui dans les prochaines années risque d’exploser…

J’ai souvent regretté le manque de formation et d’information à l‘intérieur du parti. L’abandon de grands principes comme le cumul des mandats… au principe qu’il faut être député maire, conseiller général etc, pour exister.… Puis, 2008 ! A quoi a-t-on assisté ? À la lutte frénétique en haut de l’appareil du parti, de femmes et d’hommes imbus d’eux-mêmes, capable de tout pour accéder au pouvoir. Et à la résignation de la plupart des élus socialistes rangés sagement derrière les bannières des uns ou des autres. J’ai même reçu 3 propositions de ceux-ci appelant à voter pour les motions principales. J’appelle cela un abus de pouvoir (ne suffisait-il pas d’indiquer ses préférences en tant que signataires des motions ?).

Et même dans la motion C que je soutenais, je n’ai pas trop apprécié que certains puissent « s’entendre comme cochons » avec ceux dont on critiquait, encore hier, la tiédeur… Combats de chefs, arrangements de dernière heure pour exister. Désistement public. Trop, c’est trop.

J’ai donc le regret de vous présenter ma démission du Parti Socialiste, vaisseau fantôme social démocrate, qui navigue en aveugle, et j’embarque sur une chaloupe, dans une aventure incertaine mais militante…

Vous n’entendrez pas de jugements de ma part sur, et contre, les femmes ou les hommes du parti socialiste. Sauf que je pourrai être amené à critiquer sévèrement les idées ou les actes, si je juge qu’ils sont de nature à dénaturer les idéaux socialistes auquel je suis attaché. "

Lucien Jay

jeudi 20 novembre 2008

Pourquoi je quitte le PS (1)


La Martinéroise Elisa Martin, 36 ans, conseillère régionale, suppléante du député Issindou, aurait pu se réjouir du bon score de Benoît Hamon. C'est tout le contraire. Car près de 20% pour la motion C, "ça veut dire plus de 80% pour le centre gauche". Dans ses conditions, elle a rendu sa carte. Et va participer à la construction du Parti de gauche. Explications.

Alors, ça y est, vous avez claqué la porte du Parti socialiste ?

Lundi soir, j'ai déposé ma lettre de démission du Parti socialiste dans la boîte aux lettres de la Fédération de l'Isère. J'étais au PS depuis quinze ans. Quinze ans, six congrès, toujours à gauche. C'est une décision mûrement réfléchie, tout sauf un coup de tête. Mais ça a été une très très grande tristesse. J'ai un pincement au coeur. Mais j'ai envie de dire que je vais où le devoir me commande.

Allons dans le vif du sujet: pourquoi ?

Les militants socialistes se sont exprimés. Ségolène Royal est arrivée en tête. L'autre enseignement, c'est que 80% du Parti socialiste, aujourd'hui, c'est le centre gauche. Centre gauche, ça veut dire qu'on met à distance le clivage gauche-droite et qu'on s'engage dans des accords avec le MoDem. Centre gauche, ça veut aussi dire qu'on ne cherche pas à répartir les richesses telles qu'elles sont, mais qu'on dit qu'il faut créer des richesses et ensuite les répartir. Centre gauche, enfin, ça veut dire qu'on ne cherche pas à desserrer l'étau de la construction d'une Europe libérale.

Donc vous, à partir de là...

La question, pour moi, était de savoir comment, demain, je pouvais être utile à la gauche. Est-ce que j'étais utile au PS ou en faisant autre chose? J'ai fait le bilan et lundi, j'ai choisi la seconde voie. En 15 ans, j'ai toujours été à la gauche du parti: j'ai fait la Gauche socialiste, Rassembler à gauche, Un monde d'avance... Le côté minorité de gauche, ça va, c'est bon, j'ai donné. Et j'ai bien vu que ça ne servait à rien, qu'on n'arrivait pas à faire bouger les orientations de ce parti qui, au contraire, dérive de l'autre côté.

Tous ceux qui ont signé la motion Hamon ne vont sans doute pas quitter le PS, loin de là. Vous le regrettez ?

Sur la motion C, on n'est pas tous sur la même analyse. Je respecte ce que décident les autres. Mais aujourd'hui, à la limite, ce n'est plus mon problème.

Et tout ça, c'est pour aller où ?


On a décidé, avec un certain nombre de camarades, de fonder le Parti de gauche, qui est un parti seulement de gauche, un parti républicain, laïc; écologiste, anti-capitaliste. Voilà notre identité politique. Rien ne vous étonne là-dedans, n'est-ce pas ? Tout cela, c'est ce qu'ont suscité Jean-Luc Mélenchon ou Marc Dolez...

On entend déjà certains dire: et encore un parti à gauche, et encore plus de division !

Notre volonté, c'est de construire ce Parti de gauche. La première étape, c'est un grand meeting à Paris, avec Oskar Lafontaine, le 29 novembre. Sans jouer les gros bras, en toute sincérité, on est déjà submergé de demandes pour participer à ce meeting. La deuxième étape sera le congrès de fondation de ce nouveau parti, le 7 février. Entre ces deux dates, on va travailler, discuter avec les hommes et les femmes qui ont envie de nous rejoindre, et pas qu'avec les socialistes, d'ailleurs. Le Parti de gauche, ce n'est pas le parti des ex. Nous, on n'est pas au Congrès de Reims, on est en campagne, là, tout de suite...

Mais comment l'unir, cette gauche de la gauche ?

Nous sommes profondement unitaires. Nous construisons un front, pour les élections européennes, avec ceux qui le souhaitent. Le PC a dit oui. On va continuer de discuter avec le NPA, dans le prolongement politique du non à l'Europe libérale.

Vous sentez-vous toujours socialiste ?

Philosophiquement, oui, bien sûr. En tout cas, je ne suis devenue ni trotskiste ni communiste.

mercredi 19 novembre 2008

Neuilly, Vichy, Drancy (2/2)

Texte de la lettre envoyée en nom collectif au Procureur de la République et au Préfet de l' Isère, à la suite des contrôles policiers en gare routière de Grenoble le 3 novembre dernier. (voir post du 5.11.2008)

Lettre ouverte au Procuteur de la République


Objet : Vive protestation relative au contrôle collectif et systématique d’identité d’une cinquantaine de personnes en gare routière de Grenoble le lundi 3 novembre 2008 à 13H


Monsieur le Procureur de la République,

Le 3 novembre 2008, notre association 1901, qui a pour objectif d’appuyer les droits et la dignité des étrangers demandeurs d’asile ou de séjour et « sans papiers », et qui avait affrété un car de la société GRINDLER en vue de participer pacifiquement et démocratiquement au Contre-Sommet prévu à Vichy, en réaction au Sommet européen qui se déroulait dans la même ville les 3 et 4 novembre sur la politique migratoire en Europe, était en train de faire monter dans le car une cinquantaine de personnes. Précisons que cette décision de nous rendre à Vichy avait été prise avec le soutien de nombreuses organisations associatives, syndicales et politiques qui apparaissent comme signataires de cette lettre.

Tout à coup, à 13H, une vingtaine de membres de la police nationale –et plus loin, à une vingtaine de mètres- une dizaine de membres de la BAC - ont « imposé » un contrôle d’identité à toutes les personnes candidates au voyage : relevé du nom et du prénom, du n° de la carte d’identité, de l’adresse. Par ailleurs un film vidéo a été réalisé en continu par un policier à l’extérieur du car, ce qui constitue une violation caractérisée de l’intégrité et de la vie privée des personnes. Madame la commissaire chargée de conduire cette opération a clairement précisé que le car ne pourrait partir tant que toutes les personnes sans exception ne se seraient pas soumises à un tel contrôle. Renseignement pris : il semblerait qu’un tel contrôle systématique et collectif, en ville, n’est possible que sur réquisition du Procureur de la République (ou commission rogatoire). Nous nous permettons de vous poser la question, Monsieur le Procureur : est-ce exact ? Si oui, sur quelles bases, sur quels fondements avez vous arrêté cette réquisition ? Sinon, un tel contrôle était-il légal ?

Quoi qu’il en soit, au-delà de ces considérations formelles, nous tenons à émettre une protestation solennelle au nom de toutes les personnes concernées mais aussi des milliers de citoyens et citoyennes isérois que représentent nos organisations associatives, syndicales et politiques signataires de cette lettre. Il s’agit là d’une atteinte caractérisée et totalement disproportionnée à la liberté individuelle et collective de manifester et d’exprimer démocratiquement nos opinions et nos valeurs. C’est la première fois, depuis une vingtaine d’années, que des citoyens et des citoyennes sont ainsi l’objet et victimes d’un tel contrôle au départ en car pour un déplacement en vue de participer à une manifestation déclarée en bonne et due forme. Il s’agit manifestement en l’occurrence d’une tentative d’intimidation voire de criminalisation à l’encontre de citoyens opposants à une certaine politique.

Nous vous saurons gré, Monsieur le Procureur de la République, de nous envoyer tous éclaicissements relatifs à cette grande et triste première qui a profondément traumatisé et révolté les hommes et les femmes littéralement contrôlés et« fichés » avant de participer à une démarche citoyenne . Nous voulons croire qu’une telle procédure, attentatoire selon nous aux libertés démocratiques, ne se reproduira plus. Une initiative liberticide que nous dénonçons, encore une fois, avec la plus grande énergie.

Veuillez croire, Monsieur le Procureur, à l’expression de nos salutations associatives et citoyennes.

Signataires : Afric’Impact- ADES- Alternatifs (Les)- Alternative à gauche-Isère- Antigone- APARDAP (Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de Protection)- Arrière Cour- ATTAC Isère- CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde)- Centre d’Information Inter-Peuples- Collectif de soutien aux réfugiés politiques algériens- Coordination iséroise de soutien aux sans papiers- CUAD38 (Collectif unitaire anti-délation)- CURAR- FAL 38 ( France Amérique Latine)- GCIF ( Groupe Chrétiens Immigrés Français)- FSU- JRCF- Iran solidarité- Ligue des Droits de l’Homme- Ligue pour la défense des droits de l’homme en Iran- LIFPL (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté)- LCR- Maroc solidarités citoyennes- Pastorale des Migrants- Lutte ouvrière- PCF Isère- PCOF- PRCF- PS Isère- SOLEX (Solidarité Expulsions)- Solidaires- Sud Education- Syndicat multiprofessionnel des travailleurs sans papiers- UD CGT Isère- Verts Isère

Secrétariat référent (pour toute correspondance) : Coordination iséroise de soutien aux sans papiers- c/° CIIP- Maison des Associations- 6 bis, rue Berthe de Boissieux-38000- Grenoble

mercredi 5 novembre 2008

Neuilly Vichy Drancy (1/2)


Caro, une jeune grenobloise, participait au contre-sommet sur l'intégration à Vichy le 3 novembre. Voici son récit de la journée, contrôles compris.

Arrivée à la gare routière de Grenoble, on ne voit que du bleu: les quais d'accès aux cars étaient barrés par un filtrage policier. Tous les voyageurs devaient passer un par un en présentant une pièce d'identité. C'était long, des gens, qui n'allaient pas à Vichy, ont même raté leur bus.

En arrivant devant notre car, surprise, pour monter, il fallait re-présenter une pièce d'identité et des flics prenaient les noms. Nous ne voulions pas, mais une jeune commissaire (blonde et mignonne, d'ailleurs) nous montre une réquisition du procureur. On s'y plie. J'étais sure que les flics n'avaient pas le droit de le faire, mais, n'étant pas juriste, je ne connaissais pas les articles de loi pour nous opposer au fichage. Les lyonnais avait un juriste avec eux et ont pu le refuser.

Quatre sans-papiers avaient pu monter dans le car avant le filtrage des flics et s'étaient assis au fond. Une fois que tout le monde était installé, plusieurs policiers sont montés pour re-contrôler et ont voulu les faire descendre. Mais quelques malabars de la CGT se sont opposés et finalement les flics sont redescendus.

A cinq kilomètres de Vichy, contrôle des soutes et cars bloqués

Vingt policiers pour un car de cinquante personnes. Sommes-nous considérés comme de dangereux terroristes? Départ avec trente-cinq minutes de retard. A cinq kilomètres de Vichy, cette fois, ce sont les gendarmes qui font signe au chauffeur de se garer. Contrôle du car et des soutes: un quart d'heure.

En arrivant, nous apprenons que sur les vingt cars attendus, même pas la moitié a pu arriver. Les trains ont été bloqués bien avant la ville, si bien que les gens n'ont pu venir jusqu'à Vichy. Les voitures et les passagers étaient contrôlés. Bref, peu de monde, mais ce n'est pas étonnant.

Sur la manif elle-même: devant, les partis et syndicats avec drapeau, en tête, une banderole unitaire (sans logos) de soutien aux sans-papiers. Les Grenoblois étaient en fin de cortège, avec leur banderole et quelques panneaux humoristiques… On a vu à un moment de belles lueurs rouges. Arrêt, puis la rue se remplit de fumée âcre. Demi-tour, des gens tombent par terre, ne pouvant plus respirer, les collègues les remettent vite fait debout et les emmènent. Ça tousse, ça pleure dans tous les coins, le "serum phy" circule, ainsi que les bouteille d'eau (pas de Vichy).

Une grenade entre dans un appartement par la fenêtre

Incompréhension totale, la manif était autorisée. Les flics font des concours à qui tirera le plus loin dans la foule. Une grenade entre direct dans un appartement par une fenêtre ouverte. Les vieux de la vieille empêchent la panique en calmant les manifestants.

Essai de regroupement avec la tête du cortège qui était passée par une rue adjacente et décision de se rendre au meeting. Les flics continuent à canarder… C'était la partie "remise en forme", ou comment réapprendre à courir à des personnes âgées, à des personnes asthmatiques, à des parents avec enfants et parfois poussettes…

Meeting encerclé, évacuation anticipée

Au meeting: sur l'estrade, des représentants associatifs, politiques essayent de parler dans les cris "libérons nos camarades". La sirène d'évacuation retentit à plusieurs reprises, personne ne bouge. Ceux qui entrent expliquent ce qu'il se passe dehors. La salle est encerclée. Les organisateurs vont négocier la sortie. Celle-ci a lieu, bien avant la fin prévue. Nous regagnons le car en passant devant une haie de robocops harnachés et les voitures des pompiers arrivant pour éteindre les incendies de poubelles.

Huit cents policiers pour empêcher la libre expression d'une manif autorisée! C'est beau et démocratique, la France sous Sarkozy! Tout ce que le gouvernement arrive à faire, c'est rendre l'opposition de plus en plus violente, il ne nous fera pas taire! L'intégration, thème de cette réunion des vingt-sept ministres européens en charge de l'immigration, c'est d'abord intégrer les immigrés qui vivent déjà en France, qui y travaillent (80% des expulsés ont, ou plutôt avaient, un travail), ils sont déjà intégrés, pourquoi ne pas les autoriser à rester?

Pourquoi privilégier l'immigration choisie au risque de dépeupler les pays émergents de leurs travailleurs? Pourquoi continuer à refuser les demandes d'asile de ceux qui risquent gros en retournant dans leur pays d'origine? J'aurais bien quelques réponses… mais elles ne sont pas "dans la ligne"…

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