vendredi 14 mai 2010

Facebook stincks !

"Facebook a maintenant des méthodes de voyou… c’est le moment de lancer une alternative libre et ouverte "
 R.Singel 



Non, le réseau social Facebook, (400 millions d'utilisateurs) n' est pas un buzz orchestré  par quelques grandes marques d'apéritif qui manipulent les jeunes. Facebook est une régie publicitaire basée au USA. Sa stratégie est mondiale. Son activité de marketing ciblé ultra-sophistiqué est alimentée par un réseau social avenant, véritable "web dans le web", mis gracieusement à la disposition des internautes. FB collecte des renseignements sur nos goûts, nos habitudes de consommation, notre pouvoir d'achat, etc. Son concurrent le plus sérieux est AdSense, la régie publicitaire de Google.

FB exploite notre sociabilité. La sociabilité s'exprime par ce besoin universel et parfois impérieux que nous avons d'échanger avec nos semblables. FB, Twitter, démultiplient presque à l'infini ce besoin légitime sur internet. A supposer que vous parveniez, en vous acharnant un peu, à vous faire 10 nouveaux "amis"  par jour, vous auriez actuellement de quoi vous occuper pendant 300 ans.

FB se distingue des systèmes de messagerie instantanée par son caractère massivement parallèle, avec pour coefficient multiplicateur l' exposition publique par défaut d'un maximum de données personnelles [ voir ici : The Evolution of Privacy on Facebook 2005/2010]  répertoriées par un système d'indexation sophistiqué, et pour effet sociétal une remise en cause radicale de la sphère privée...  au bénéfice des actionnaires bien réels d'une entreprise privée.

Usine marketting ou supermarché du renseignement  ? les deux mon neveu !

FB collecte, traite et vends ses informations ciblées aux annonceurs. Celles-ci, fournies gratuitement par toi et tes "ami(e)s",  lui appartiennent par contrat  !
Une lecture à tête reposée des 12 pages de conditions d'utilisation et des 45.000 mots du Centre d'Aide Facebook  peut éventuellement permettre de saisir cet élément essentiel. 
Sa politique de confidentialité est un véritable casse-tête. Dans un graphique-maison, le New-York Times montre que pour retirer la plupart des informations de votre profil d'une divulgation complète ("privacy setting options" ) vous devrez cliquer 50 fois sur les bons boutons et choisir parmi plus de 170 options au total !
A l'évidence, la négligence du côté obscur de leur réseau préféré et l'insouciance des utilisateurs comptent pour beaucoup dans la réussite foudroyante de cette entreprise.

Une fois les données extraites de la manne fournie par les utilisateurs, leurs sodas, huiles bronzantes, boites de nuits et lieux  de vacance préférés (pour comprendre ce qu'est un type de profil) restent accessibles aux divers bidouilleurs actifs dans le cyberespace. FB les encourage à valoriser leurs oeuvres, avec effet retour, en leur proposant d'utiliser son API .
Le fameux bouton "I like", qui se répand comme une épidémie sur une floppée de sites, en est la manifestation la plus voyante. Une API est en gros, un moyen d' accéder directement par programmation à tout ou partie des fonctions d'une application. Ce procédé n'est pas nouveau, la différence réside surtout dans la vitesse de propagation sur la toile, nourrie par un buzz constant, plein de pipeau mais soigneusement entretenu dans tous les médias. Diabolique.

Les employeurs, les faux-amis, les annonceurs, les gouvernements, les pirates, les intégristes (les vrais avec du poil) ont bien compris l' intérêt d'aller fourrer leur nez dans les affaires "privées" et les coups de coeur de cette armée de consommateurs. Avec une technicité moyenne il est possible en quelques dizaines de clics de se faire par déduction une idée assez précise des opinions, des goûts, des influences, de telle ou telle personne, sans parler de la réalité de son réseau actif. Point n'est besoin que ces éléments soient donnés explicitements. Selon Wikipedia, les Renseignements Généraux et la DCRI viennent également faire leur marché chez FB pour compléter leurs fiches...

Tout ça est connu, sans freiner le moins du monde la progression de FB.  Alors que faire ? Eduquer l'utilisateur au berceau...  certes. C'est possible, tant que les systèmes éducatifs éviteront d'associer des bienfaiteurs des enfants tels que  Mac Donald's, qui sponsorise depuis longtemps déjà certains programmes scolaires aux Etats-Unis. Mais c'est insuffisant.

Pas plus que le mail ou le téléphone, les réseaux sociaux virtuels ne sont en soi une mauvaise chose. Mais il est urgent de faire émerger des alternatives décentralisées et si possible non-marchandes au quasi-monopole Facebook.

Le monde de l'open source est en mesure de relever ce défi. Certains projets comme OneSocialWeb ou Diaspora semblent d'ailleurs assez avancés, surtout le second, qui a suscité une levée de fonds au-delà des espérances de ses initiateurs. Mais la viabilité des solutions alternatives n'est pas assurée face la domination de FB et son modèle fermé et centralisé. Elles pourraient même souffrir de leur dispersion, quand il serait temps au contraire de s'accorder dès maintenant sur une architecture ouverte et décentralisée, opposable à FB.
Celà correspondrait à une évolution conforme à la nature profonde du web, système ouvert par définition. Outre les choix de société que pose la "socialisation du privé" et la "privatisation du social"  -qui ne sont pas l'objet de ce billet- de nombreux problèmes d'interopérabilité des projets de même inspiration, mais aussi stratégiques, et probablement financiers restent à surmonter.
JMB

Pour creuser, lire cet article de Ryan Singel (Wired) traduit en français sur l'excellent site de référence du "libre" FRAMASOFT. 

Vous trouverez ici un pas-à-pas clair pour vous aider à supprimer définitivement votre compte Facebook

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[ addendum jeudi 20 mai 2010 : hasard de l'actualité (?) on apprenait ce matin que " deux salariées de l’entreprise Alten, une société d'ingéniérie et de conseil en technologie, contestent aujourd'hui leur licenciement devant le conseil des prud’hommes de Boulogne Billancourt. Elles ont perdu leur emploi à la suite d’une conversation sur le site de réseau social Facebook. (...) La décision, très attendue, devrait faire jurisprudence. "]  source : France-InFo
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