mercredi 16 février 2011

Avenir incertain au NPA



Après le Parti de Gauche, retour sur le congrès du Nouveau Parti Anticapitaliste qui s'est tenu les 12/13 février 2011.

NPA, un congrès pour constater l’ impasse” (Mediapart), “A Montreuil, le NPA rate sa révolution” (Libération) Après seulement un an d’existence le NPA est sur le flanc. Dans leurs gros titres, les journaux les moins hostiles donnent le ton.

Déjà  affaibli par deux échecs successifs aux élections européennes et régionales, le NPA sort exangue et divisé d'un premier congrès désastreux. Sans majorité, réfractaire à la notion de compromis équilibré entre des orientations opposées de poids équivalent, il donne à tous ceux qui ont observé son évolution depuis sa naissance une impression de gâchis. Au point que l'on en vient même à se demander si ce premier congrès n'était pas aussi le dernier.

Crash financier mondial, discrédit profond du sarkozysme dans l’opinion, méfiance et désaffection populaire maintenue à l’égard du parti socialiste, mouvement social d’ ampleur historique cet automne, réveil démocratique dans le monde arabe. En dépit d’une actualité politique et sociale à priori souriante pour un parti révolutionnaire, le bilan est clairement négatif. Les quelques centaines de militants des groupuscules gauchistes préexistants qui l’on rejoint dès le début composent un noyau à l'épreuve du doute, capable de survivre à toutes les catastrophes. Le NPA survivra donc vaille que vaille jusqu'à la prochaine présidentielle, sous la double condition que la ligne anticandidature  ne finisse pas par l’emporter, et que le PS consente de nouveau à lui fournir les signatures indispensables.

L'affichage national du NPA (et non la survie) ne dépend pas que de lui en effet, mais aussi, c'est piquant, de son plus cher ennemi le Parti Socialiste, et des décisions que prendront ou pas les stratèges socialistes pour contenir le mieux possible Mélenchon, candidat putatif de la gauche radicale, si d’aventure celui-ci réussissait le pari de se hisser au niveau d' un challenger sérieux dans les sondages.

Pour lui non plus ce n'est pas gagné, mais la moitié du chemin est faite, tandis que le NPA reste à quai.

Comme un malheur n' arrive jamais seul, il n'y aura, de plus, aucune candidature-miracle sortie des rangs du mouvement social ou syndical. Les dirigeants du NPA ne feignent même plus d'y croire eux-même. L'hypothèse Xavier Mathieu (ex-CGT Continental) par exemple, a fait long feu : le syndicaliste ouvrier révolté a tourné la page et trouvé un emploi de comédien.

Quand il fut avéré à la fin de l' automne dernier que le plus grand mouvement social de ces vingt dernières années ne lui amènerait ni galons ni biscuit pour affronter dans de meilleures conditions les batailles politiques et syndicales à venir, le  "parti des luttes" qui combattit avec raison le suivisme du Front de Gauche à l'égard des directions syndicales, et l'hypocrisie des socialistes à l'égard des revendications sociales en défense des retraites, n'a pas eu la lucidité nécessaire pour changer de pied, pour négocier ou même forcer l' entrée dans le Front de Gauche drapeau déployé, comme il pouvait le faire avec l’appui du Parti de gauche et un soutien populaire allant bien au-delà de ses électeurs. 

Le scénario d'ouverture, de dépassement et de transcroissance de la LCR était pipé, mais le pire je le crains, c'est que beaucoup d’anciens adeptes s’en soient éloignés plus anti-partis encore qu’ils ne l’étaient en arrivant, et sans saisir pourquoi la méthode Coué ne suffit pas à convaincre,  à coups de mégaphone, d'apparitions coup de poing sympathiques et un peu foireuses, et de passages télé d'Olivier Besancenot.


La LCR a bel et bien disparu, n’en déplaise à Mélenchon, (1) pour laisser place à un projet qui prétendait embrasser à lui seul toutes les traditions du mouvement ouvrier, et qui sombre d’avoir cru pouvoir jouer à saute-moutons sans dommages par-dessus les décennies d'erreurs stratégiques de la branche la plus intelligente du trotskysme dont il est issu. Echec  faute de renouvellement de sa pratique politique en direction des milieux populaires, (pas plus que les autres, je m'empresse de le souligner, et l'on ne dira rien du foulard, eux au moins ont essayé) faute de concilier tactique électorale et luttes sociales comme les moments d'une même démarche politique, faute enfin, c'est là une erreur fatale, d'avoir opéré à temps un virage sur l'aile unitaire, pour s'atteler avec d'autres forces disponibles à la construction du projet écosocialiste qui fait toujours défaut à la gauche française hors PS.

La raclée prise par Jospin et la gauche plurielle en 2002, et le vide politique ainsi créé, dégageaient l'espace à gauche pour un "parti-creuset", ou "parti large et non délimité stratégiquement"  ainsi que le défendait âprement au sein de feue la LCR l'un de ses courants, devenu aujourd'hui composante du Front de Gauche sous l'appellation de Gauche Unitaire. Sauf que l'on ne construit pas sur des défaites, mais des conquêtes, ou au moins sur des victoires partielles. Le référendum sur le Traité Constitutionnel Européen de 2005 et le non de gauche offraient cette chance, mais la LCR lui tourna le dos.

Si l'on pouvait partager encore les prémices de ce projet en dépit de l'échec de la candidature unitaire à la présidentielle de 2007 et en raison de l'effondrement électoral du PCF, peu de gens en revanche étaient prêts à mordre à l' idée qu'un "nouveau" parti constitué exclusivement autour du noyau dirigeant de l'ex-LCR puisse attirer autre chose que des groupes gauchistes, et une très petite frange révoltée de la jeunesse. L'ensemble étant plombé de surcroit, on y insiste, par la logomachie révolutionnariste de ses micro-courants dogmatiques qui ne désarment jamais, et pèsent lourdement dans l'addition, ainsi que dans le tiers des instances.


« Nous avons des divergences INSURMONTABLES tant avec le Front de gauche qu’avec la gauche abertzale »
Pedro Carrasquedo, ex-lambertiste recyclé au NPA en pays basque.

J'ai été longtemps de ceux qui, tout en construisant sans complexe un courant marxiste-révolutionnaire indépendant de la social-démocratie, tâche que sous certaines conditions je considère toujours pleinement d'actualité, (c'est un autre débat) se battirent loyalement (c'est-à-dire en acceptant d'être minoritaires pendant très, très longtemps) pour que la LCR prenne sa part dans la construction d'un front de la gauche sociale et politique par la méthode du Front Unique. En cherchant patiemment à réduire par le débat et l'action commune la dichotomie, ou si l'on préfère, la funeste division du travail instaurée entre gauche de rue et gauche des urnes.

" Le meilleur du trotskysme n'est-il pas dans sa lutte pour l'unité de la gauche, pour le front unique ? le NPA a tourné le dos à cette exigence élémentaire "  écrivait dernièrement l'économiste Christophe Ramaux dans sa lettre de démission, non pas du NPA mais... du Parti de Gauche, qui selon lui paye sa relative bonne santé de sérieuses impasses démocratiques, et de sa transformation tendancielle en une écurie présidentielle.

Résultat, les efforts de deux générations et demies au moins de militant unitaires dévoués réduits à néant, une gauche de gauche émiettée ou en voie de décomposition avancée (EELV), et un courant anticapitaliste organisé qui piétine, alors que comble du paradoxe, l'aspiration à l'unité à gauche sur un programme de gauche ne fait que croître dans des secteurs toujours plus grands de la société française.

Il ne faudra pas trop compter, pour finir, sur l'hypothèse de la contagion révolutionnaire venue de l'autre rive de la Méditerranée : D'abord parce que pour l'heure, l' horizon fragile du mouvement de masse en Tunisie, en Egypte et dans l’ensemble du monde arabe se limite nécessairement, mais c'est fondamental, à la création d'un espace politique garantissant les droits de l'homme, le pluralisme, le droit de grève et d'expression, bref, toutes les libertés individuelles et collectives fondamentales. Ensuite parce que depuis la bureaucratisation et la faillite de la Komintern (2), seule tentative révolutionnaire mondiale systématique assumée comme telle, nous ne connaissons pas d' exemple d'une révolution socialiste exportée avec succès d'un pays ou d'un continent dans un autre, sinon en farce...

Epilogue

S'il y a quelqu'une qui n'avait plus de temps à perdre avec le NPA c'était bien la camarade Leïla Chaibi. Dimanche, l' animatrice de l'association de précaires L'Appel et la pioche annonçait son départ du NPA avec d'autres (3), sans faire mystère de son intention d' adhérer au Parti de Gauche. Deux jours après, la voilà bombardée Secrétaire Nationale à l'Abolition du Précariat au Parti de Gauche... SNAP ! ça claque comme une paire de giffle dans la face des employeurs-négriers. Foin des mauvais procès : c'est avant tout une manière de reconnaître l'importance de la cause défendue. On ne perd pas de temps au PG. Bon vent et bon courage à elle et à tous.

JMB

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(1) A certains égards si nous sommes encore quelques ex à en porter le deuil pratique et théorique, c'est à la mesure de son ancrage dans une véritable tradition révolutionnaire. Les trotskystes historiques étaient des communistes antistaliniens.
(2) Internationale Communiste, dite encore troisième Internationale, liquidée par Staline à la faveur de la deuxième guerre mondiale. En russe, le nom s’ accorde au féminin, selon Pierre Broué.
(3) Lire leur déclaration "Nous partons et nous continuons" ,  sur le blog du courant  unitaire du NPA, " Convergences et Alternatives".

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