Ilham Moussaïd, 22 ans, candidate aux élections régionales sur la liste NPA
[billet repris vendredi 5/02/2010]
On le sait, la politique est une affaire rigoureusement interdite aux femmes dans les régimes cléricaux, eux-mêmes dominés par des hommes, les précepteurs de leurs maris...
A écouter les brèves déclarations d'Ilham Moussaïd, et non les commentaires des politiques sur sa candidature, cette jeune femme se situe clairement sur le même terrain qu' eux.
Même en tendant l'oreille, on ne voit pas de quelle "confusion" entre les préceptes religieux et la chose publique Monsieur François Hollande veut parler (¹). On entend seulement une claire dénonciation de la campagne de stigmatisation actuellement subie par certains de nos concitoyens, dans le silence assourdissant des responsables zofficiels des cultes en tous genres.
Ilham ne met pas en avant une doctrine qui, comme les autres, promet le salut ailleurs et trop tard, et prône soumission, adoration et résignation ici et maintenant. Elle compose, elle s'arrange probablement pour concilier le très haut auquel elle se sent liée, et l'ici-bas, ça ne va pas de soi...
D'autres (j' en suis) y verront une contradiction philosophico-politique maousse, insoluble à maints égards, sauf, peut-être par... la politique. A chacun ses contradictions. A l'heure des choix, il y a des contradictions très fécondes, lors que rien n'est figé en dogme et que le doute subiste...
Le cléricalisme, voilà l’ennemi. (Gambetta)
La politique est une activité de plein air, nous dit Ilham, et le lieu privilégié de sa pratique est la place publique, pas les lieux de culte. La révolution sociale, oui, la révolution islamique, non. C'est un bon début. Relever la tête -coiffée ou pas- et regarder ses interlocuteurs à visage découvert, voilà un deuxième élément très positif dans la conjoncture actuelle.
On comprendra aisément que cet angle de vue, nettement moins vendeur que les progrès rampants de la burka sur la dalle d'Argenteuil, n'ait pas été mis davantage en avant par la presse.
Mechta Besma, Conseillère municipale d'Echirolles (38)
A des milliers de kilomètres des tribulations du sarkozysme en mauvaise posture électorale, les déclarations d' Ilham, pour peu qu' elles leur parviennent, sont même, profondément, porteuses d' espoir pour nos consoeurs iraniennes, afghannes, yemenites, saoudiennes, et toutes les femmes musulmanes ou voilées contre leur gré.
Et le message à elles adressé est le suivant : seule une société et des institutions laïques peuvent garantir vos droits, à commencer par celui d'ouvrir sa bouche devant les télés. Seule une société socialiste pourra les étendre.
Ce message est infiniment plus intéressant que le procès en instrumentalisation fait à son organisation.
La communication des principaux dirigeants du NPA qui enfoncent le clou sur le « climat d’islamophobie généralisé » est purement défensive, mais moins inconsistante pour le coup que ne le fut la publicité délibérée à l'adhésion du fondateur d'Action Directe Jean-Marc Rouillan. Depuis des mois les signaux contradictoires se succèdent dans ce parti, sans que l'on sache si nous sommes à la fin des balbutiements liés à la naissance, où au début d'une période d'errements qui pourrait lui être fatale.
Le buzz rappelons-le est venu du journal Le Figaro, dans le prolongement d'un soutien intensif à la campagne "débat identitaire" (voir billet) de Hortefeux, Besson, et de leurs supplétifs Georges Frêche, André Gérin, le Front National, des secrétaires d'Etat... En face, la liste des "dérapages" plus ou moins contrôlés s'allonge au fur-et-à mesure de l'approche des élections. Une raison de plus d'aller voter sans barguigner, pour infliger à cette droite vichyste socialement triomphante, la défaite politique la plus massive possible en mars prochain.
JMB
(¹) En déplacement à Grenoble, François Hollande a jugé jeudi que le NPA, en investissant pour les régionales une candidate portant le voile, commettait une "confusion très grave" entre religion et politique.
Une réaction d' Eva Joly (EE)
L'ancienne magistrate franco-norvégienne Eva Joly, élue en juin députée européenne sur la liste Europe Ecologie, a estimé vendredi qu'il ne fallait "exclure personne" concernant la candidate du NPA portant le foulard islamique dans le Vaucluse. "Personnellement, je pense qu'il ne faut exclure personne, qu'il n'est pas interdit aux femmes qui le souhaitent de porter le foulard", a déclaré à l'AFP Mme Joly lors d'un déplacement à Lyon, jugeant qu'elles "ont aussi droit à être candidates" pour les élections régionales de mars. "Je ne dis pas que j'aime ça. Je rencontre souvent des femmes qui portent le +hijab+ (voile couvrant uniquement les cheveux, ndlr) dans mes meetings. Je vais discuter avec elles comme je discute avec les autres", a ajouté la députée pour qui voile et fonction politique sont compatibles. "Je pense que l'intégration est la meilleure façon de faire et qu'elles n'auront plus envie à terme de porter leur voile", a-t-elle conclu. (AFP)
Les musulmans, la gauche et les féministes auto-proclamés
(...) Le combat pour la libération sexuelle et de genre, tout comme le combat pour le contrôle populaire des moyens de production, ne se fait pas « dans les nuages », sur le champ de bataille abstrait du brouillard religieux. Le combat est sur terre. Et la notion quasi- religieuse – masquée en critique de la religion – que la religion et les symboles religieux ont un pouvoir en eux-mêmes – n’a pas plus les pieds sur terre que les fondamentalistes qu’elle prétend combattre.
En tant que socialistes nous ne combattons pas pour qui que ce soit, nous organisons des gens pour qu’ils se battent pour eux-mêmes. C’est aussi valable pour les femmes qui s’identifient comme musulmanes. En gardant cela à l’esprit le risque de s’aligner sur des forces de droite, laïques ou religieuses, est au moins diminué.
Nina Trige-Andersen
source: Que.Faire.lautre.Net
