mardi 30 novembre 2010

L' an II du Parti de Gauche

Aujourd'hui petit scarabée, je te parlerai d'une Principauté du Verbe dans l'archipel de la Gauche qui se nomme Parti de Gauche (séparée des îles Coco par un bras de mer).

Le PG a été fondé fin 2008 par l'ex sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon et quelques uns de ses amis de la gauche du PS. Très mécontents d'avoir, pour la énième fois, été mis en minorité dans des conditions que les initiés ont eux-même du mal à saisir, ils l' ont quitté jurant mais un peu tard qu'on ne les y reprendrait plus. Mais ceci appartient déjà à l' histoire.  

Je précise que je n'en suis pas membre, et que la formation d'extrême-gauche à laquelle j'ai appartenu longtemps s'est sabordée il y a deux ans. Je l'avait quittée peu de temps avant...

Le PG part du constat (partagé!) de la "capitulation en rase campagne de la social-démocratie" devant le libéralisme, partout en Europe. En France il relève le défi, et se déclare prêt à "gouverner face aux banques". Et même à commencer demain si le Peuple est derrière lui.

Là, je tends l'oreille et je regarde.


Le premier congrès, dit "programmatique" du jeune Parti de Gauche s'est déroulé au Mans les 19, 20 et 21 novembre 2010.   Les amateurs de talk-show speedés, de sandwichs-rillette AOC et de fixs sur les points-virgules (460 amendements aux statuts du parti) étaient à la fête.

Un plan-media plus qu'un congrès


Sans surprises, la presse à réduit ce temps fort militant à un rebond sur l'agenda de campagne pré-présidentielle de JL Mélenchon. Information exacte mais réductrice. Une chose est sûre, pour combler son déficit de notoriété, le leader du PG est en train de se faire un coeur de marathonien.  

Il s'agit d'installer dans les esprits et sur le dos d'un PCF en mode hibernation que le meilleur candidat unique de la gauche de gauche à la présidentielle de 2012, c'est lui. Le NPA en conçoit quelques aigreurs. Voilà, c'était Anne-Sophie Lapix pour M6 en léger différé du Mans, à vous les studios.

Maintenant ça devient un poil sérieux. Le PG a un programme.


  "Lors de notre premier Congrès, nous résumions ainsi notre programme : la refondation républicaine des institutions et de la société, le partage des richesses, la planification écologique, la sortie du traité de Lisbonne et une politique de paix par la solidarité et la coopération entre les peuples. Or aucun de ces objectifs ne sera atteint sans une Révolution citoyenne." 
Intro à la Motion d'orientation générale adoptée au congrès du Mans 2010  


Depuis sa création, le PG envoie plein de signes d'ancrage à gauche rassurants
L' un des éléments les plus mis en avant publiquement au congrès du Mans est l'attribution de la co-présidence du parti à Martine Billard.  
Ce binôme présente plein d' avantages: Atténuer les critiques qui comparent le PG à une pyramide en équilibre sur la pointe. Réaffirmer, outre son attachement à la parité, la centralité de l'écologie politique dans un programme toujours en cours d'élaboration, et qui le restera jusqu'à la veille de la révolution citoyenne. Les révolutionnaires ne sont jamais prêts quand ça pète.  Enfin, conforter l'opposition du parti au recentrage de l'ensemble  Europe-Ecologie-Les Verts (EELV).  Une nouvelle (?) formation qui présentera très inamicalement des candidats alliés aux socialistes, face à des élus sortants du PG aux prochaines cantonales ...

Députée Verte passée au PG, Martine Billard mène un combat acharné et exemplaire contre la droite. Elle n'est pas la seule figure émergente. Avec Corinne Morel-Darleux secrétaire nationale au combat écologique, conseillère régionale Rhône-Alpes, qui entr'ouvre doucement la porte aux francs-tireurs de la décroissance, avec Gabriel Amard , artisan de la gauche par l'exemple et de la réhabilitation du service public de l' eau dans l' Essonne, et d'autres encore, le PG élabore et met en pratique une écologie politique en cohérence avec sa doctrine sociale et son interventionnisme économique, un écosocialisme.

photo Michel Soudais
Mais ce n'est pas ce message qui est passé dans la presse, ni la photo qui va bien (ci-contre)(1). Cette séquence aurait peut-être davantage convaincu si le co-président au moment de son annonce, avait cédé logiquement la tribune à la co-présidente, au lieu de garder la parole plus d'une heure trente en conclusion du congrès ?

"On a cartonné !" 
(Mélenchon à Ruquier, chez Drucker)
Sur le cas Mélenchon, la question qui revient en boucle -surtout sur sa gauche- est la suivante : Après plus de 30 ans passés entre les plis de la social-démocratie et les replis capitonnés du Sénat, peut-on croire en sa totale reconversion à l'idée de rupture avec le système capitaliste, ses institutions, ses élites ?   
Sur sa droite, Benoît Hamon s' est empressé de répondre que non : " tout celà se terminera par l'entrée de Jean-Luc dans le gouvernement, en expliquant qu'il est là pour ancrer le gouvernement à gauche" (2).
Et vous, qu'en pensez-vous ? 
Je relève les copies dans une heure.


Incidente à la manière de Politis.
Lorsqu'elles s'exercent sur l'intelligence de la marche du monde, la jugeote rend prudent, et la lucidité tétanise. Chez Mélenchon, l'une l'aiguillonne et l'autre le pousse à agir. C'est même à celà qu'on différencie les aventuriers des vrais politiques. Ce cyclothymique pousse ses colères penché sur la béance du doute, etc...    
Fin de notre séquence à la manière de Politis. 
Décidément, qu'il soit de droite ou qu'il soit de gauche, nous n'aimons pas le journalisme de complaisance. Référence :  "Mélenchon, Ombres et Lumières",  Politis n° 1128 du 25 nov. au 1er décembre. Bon, reprenons.

 C'est ainsi que trois jours après les accès de grandiloquence shakespearienne du discours de clôture ( "Je suis le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas..." ) (3) le co-président dégrisé fait cet aveu déconcertant mâtiné d'un brin d'humilité : "Notre parti n’est rien ou presque. Juste une modeste passerelle lancée sur le vide. Mais parcequ'elle est là, tout est de nouveau possible" ( billet de blog  "Send them away !"  - 24/11/10).
 
Dans ce même
très long billet consacré à la conjoncture économique, on peut lire avec intérêt les notes sur le peuple d' Irlande en état de strangulation financière, sur l' Europe aux prises avec les agents du FMI -les hommes de Strauss-Khann- et sur l'absence dramatique d'alternative politique en Grèce.
Deux phrases les résument, la première:  " Le cœur de la partie qui se joue n’est pas l’Europe mais le dollar." La deuxième phrase invite à tirer pour la France les leçons politiques de l'évaporation de l'électorat de gauche en Grèce : " La radicalité doit être à la fois unitaire, concrète et gouvernementale". 


Bien vu.

« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
 
 
Au coeur du combat commun... » 
Aragon

Vu de gauche, disons qu' à cette étape, se contenter de coller aux basques de Mélenchon 32 ans d' allégeance à Mitterrand et l'étoile rose de l'infamie qu'il vomit de si bon coeur, avec des arguments qui font mouche, est
un procès en disqualification politiquement stérile. 

Comme la plupart de ses futurs électeurs, nous ne lirons probablement aucun de ses livres. Pas de quoi s'en vanter. C'est plutôt que cette insistance à vouloir nous vendre le dernier-né jusque à l'intérieur des manifs de cet automne nous a un peu gavé niveau méthode, sans parler du canapé rouge...
Mon prolo de père n'a ouvert qu'un bouquin de gauche dans sa vie, " La paille et le grain", je ne sais s'il l'avait acheté lui-même ou si on le lui avait offert, mais ça n'a pas suffit à le convaincre de voter Mitterand.
Et puis, il y a tellement d'autres bons auteurs qui attendent pour les longues soirée d'hiver...

Une stratégie commune pour la gauche de gauche, vite !

Quand un mouvement social tel que celui que nous venons de vivre en France, aussi pacifique que majoritaire, est mis en échec et criminalisé par une si petite minorité d'oligarques, peut-on se contenter de répéter que les syndicats ont fait leur boulot, tout en priant Sa Majesté, qui est avec constance le premier à s'essuyer les pieds sur nous, de bien vouloir saisir le peuple par référendum ?


NON et NON.  

Assez des pétitions, les douves du Chateau en sont pleines ! 

Enfin, tu ne partages pas mon avis et je le respecte :  pour signer c'est par là. Sachant que quoiqu'il arrive, article 11 de la Constitution, le monarque reste maître de sa décision, comme de la formulation de la question.

Nous avons un besoin criant, les gens, d'un front de classe et de masse autour d'un "projet partagé", c'est l'expression consacrée au Front de Gauche. Nous en avons besoin pour écrire nos cahiers de doléance
, pour formuler nos solutions à la vie chère, à l'exclusion sous toutes ses formes, au mal-développement, à la malbouffe, et en fin de compte, à toutes les formes exaspérantes de la violence de tous contre tous, de la haine de soi et des autres, que produit notre société en crise.
Actif dans le mouvement social, vertébré par une conception de la laïcité sans concessions (lui évitant les affres du débat qui continue de miner le NPA), attaché à la construction d'une dynamique unitaire, "ce parti ne manque pas d'atouts", dit Martine Billard, "seulement de militantEs" .
Pour s'enraciner en véritable mouvement populaire et majoritaire déterminé à "gouverner face aux banques" la route est encore longue, et qui veut croire qu'elle passe seulement par les urnes trompe son monde, comme l'a dit à sa manière Clémentine Autain (
mention spéciale speed-dating dans la catégorie invités)


Le futur front de toute l'autre gauche n'a pas d'autre choix dans cette voie que de se démultiplier sans relâche entre actions sur le terrain et soutien aux luttes, colloques, rencontres, symposiums et contre-sommets internationaux, et de nouer des liens avec d'autres, mouvements populaires et sensibilités progressistes, marxistes et syndicalistes, libertaires et décroissants, liste non exhaustive. L'organisation d' un forum mondial de l'Autre Gauche lui a été suggérée par des groupes étrangers invités.   
Sans parler du projet de fondation d' une Cinquième Internationale,  agité un temps par le bouillant camarade-président Chavez. 
Son périmètre s' est sérieusement restreint, en raison de l'ambition du Vénézuela, terriblement concrète celle-là, de démarrer un programme nucléaire en collaboration avec l' Iran.

Dans quelques mois je te parlerai du congrès du NPA, une tribu à nuque raide, beaucoup plus à l'Ouest dans les mers chaudes...
JMB

(1) A l'exception du journal pégiste Politis.
(2) L 'Express du 17/11 , repris par le Canard Enchaîné 

(3) Expression reprise par le délégué général du PG François DELAPIERRE , autre figure montante du parti, en titre d'un excellent billet post-congrès dont nous tirons cet extrait :
(...) Le PG a été créé il y a presque deux ans car nous pensions que la marche à la crise était engagée, qu’elle menaçait les conditions d’une vie tout simplement humaine, et que la finance déchaînée ne serait arrêtée que par une révolution citoyenne fondée sur l’implication populaire. L’Irlande en apporte confirmation. Nous sommes dans un engrenage qui peut tout broyer. Le tribut colossal exigé par la finance est incompatible avec la préservation de nos sociétés. Il implique une pauvreté et une précarité de masse, la destruction des écosystèmes, le massacre des droits sociaux et des services publics. Il mène nos sociétés à l’implosion, ici comme en Amérique du Sud, que ses dictatures militaires et sa proximité aux Etats-Unis désignaient comme plus facile à saigner jusqu’à ce que se lève la vague des révolutions citoyennes.
Les loups de la finance chassent au plus simple. Ils attaquent en meute les bêtes faibles du troupeau. Le premier ministre irlandais fait mine de s’opposer aux ordres de la Commission Européenne ? Mais c’est lui qui après avoir faiblement protesté, avait fait revoter son peuple sur le traité de Lisbonne. Proie facile ! Mais butin copieux : 90 milliards d’euros repartiront dans les tuyaux percés de la finance. La meute excitée par l’argent n’entend pas se disperser si vite et s’attaque maintenant au Portugal. Après ce sera l’Espagne. Jusqu’où s’arrêteront-ils commence à se dire le brave Français qui trouvait l’Amérique du Sud bien lointaine mais s’inquiète des loups à ses frontières ?  (...)
("Tumulte et Fracas", F.Delapierre,  26 novembre 2010)

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