vendredi 1 juillet 2011

Eva et Nicolas Bifurkent à gauche

En allant chercher ma baguette tôt ce matin, j'ai vu des employés municipaux dans leurs véhicules de service à l'heure américaine, rangés sur le bas-côté, les oreilles collées à leur radio... La mondialisation frénétique de l'actualité est sidérante.

Le débat Eva Joly/Nicolas Hulot à Grenoble hier, qui clôturait la première phase de la primaire au sein d'Europe Ecologie les Verts, était un indéniable événement politique. Nos faux-amis du gratuit Grenews, dont on espère toujours qu'ils ne se relèveront pas de la faillite du GF38, ne s'y sont pas trompés : dans un article anormalement long (plus de 15 lignes) ils nous ressortent "le match" sous forme de temps forts chronométrés...

Son retentissement médiatique n'aura duré qu'une soirée, bien moins que ne vivent les roses. Un incroyable rebondissement du feuilleton mondial DSK surgit de la nuit américaine ayant tôt fait de tout balayer. Depuis ce matin, Guesquières et Taponier, libérés avant hier, ne sont déjà plus que de vieux souvenirs, les Grecs victimes du Grand Argentier intersidéral peuvent aller se faire voir, des économistes de cour applaudissent au retour " d'un des plus grands spécialistes de la dette " (sic) traduire: d'un débatteur à leur hauteur, etc.

Voir les strausskhaniens penauds d'hier ressurgir comme champignons après la pluie, ragaillardis par le probable retour en grace de leur chef, et se répandre partout dans les journaux et sur les ondes, à quelque chose de désespérant, à la fin. A gauche aussi les grenouilles qui cherchent un Roi se remettent à coasser. On croyait le débat politique (un peu) assaini sur la gauche du tableau. Nous voilà replongés dans ce storytelling poisseux. Et voilà que reprennent de plus belle les supputations en boucle sur le retour du candidat surnaturel, le gars qui jongle avec du lourd, des dizaines de milliards, comme d'autres manient des quilles, sans que jamais un gros paquet fou ne lui retombe sur le coin de la gueule; bravo ! Le fils prodigue est de retour. Hé ! les Grecs ! prière de s'extasier avant de passer à la caisse. L'artiste accepte aussi vos pièces jaunes.

Venons-en au débat d'hier, qui de l'avis général et du mien, était de bonne tenue. Votre serviteur y était en observateur, nullement en coopérateur, parmi les 600 à 800 personnes, cadres et militant(e)s présent(e)s, selon les sources. Et il faut avouer au préalable, que, ma foi, l'organisation était parfaite, sans ratés, dans un cadre judicieux et accueillant, et la bière, de très grande qualité. La machine électorale verte est en ordre de marche, tenue par une jeune femme à poigne doublée d' une stratège madrée, Cécile Duflot.

Seule ombre au tableau dans le déroulé de cette belle soirée de com' : au-dedans comme au-dehors, le parterre n'était là que pour la claque, n'en perdant pas une miette. La plupart du temps (sauf près du bar) on aurait pu entendre une mouche voler entre deux salves d'applaudissements. La brochette de dirigeants EELV sagement assise aux premiers rangs était à l'unisson. Hors-plateau, une curieuse Miss SVP tout droit sortie de feu "les Dossiers de L'Ecran"  fit de brèves apparitions pour lire quelques questions d'internautes, histoire de justifier le direct...

Hulot : Ni gauche, ni droite, bien au contraire

Ceux qui s'attendaient à une joute en bonne et due forme, arguments et contre-arguments, après les propos peu amène échangés entre nos deux protagonistes, seront restés sur leur faim. Le style Hulot consiste, finalement, à s'adapter caméléoniquement aux circonstances, tout en restant ouvert à la droite du centre. On ne se donne pas une image antilibérale convaincante en trois semaines...
On le vit même, beau joueur, esquisser à plusieurs reprises un applaudissement fort consensuel (ou schizophrénique ?) et fort télégénique sur certaines des interventions de sa concurrente, d'ores et déjà installée dans sa nouvelle peau de candidate à la magistrature suprême...

Joly : " Les socialistes ne sont pas écolo-compatibles, mais à l'issue de négociations on peut cheminer vers un accord possible. "

Eva Joly ne manquait pas quand à elle de se démarquer soigneusement à gauche, à chaque fois que l'occasion lui était offerte. Exemples.
Les centristes sont-ils éco-compatibles ?
E.V : Borloo voulait être le Premier Ministre de Sarkozy ! (soupir) ; Regrettez-vous le départ de Christine Lagarde ?
E.V : ... Il ne faudrait pas que le FMI devienne un sanctuaire pour des dirigeants passibles de poursuites pénales -allusion à l'implication directe de Lagarde dans l'arbitrage scandaleux de l'Affaire Tapie.

En dehors de celà, aucune différence substantielle, même s'il convient de souligner que l'une opposait systématiquement des mesures concrètes et précises aux envolées lyriques de l'autre. Ni dans l'indignation partagée sur la disparition de la biodiversité ou la déshérence des jeunes de banlieue, ni dans les mises en chantier jugées prioritaires pour un éventuel premier mandat présidentiel vert ( la convocation d'une constituante pour une Sixième république, une réforme fiscale d'ampleur...), ni  dans le chiffrage du coût de la "transition écologique" (60 milliard sur 10 ans), ni dans le cri du coeur pour l'Afrique, "qui est l'avenir de l'Europe", ni... ni...
Candidat malheureux, l'écologiste de gauche férocement antinucléaire et anti-Hulot Stéphane Lhomme (4,4%) insiste sur le fait qu'à l'issue du débat, Eva Joly aurait proposé de faire de Hulot son porte-parole dans la campagne présidentielle.... Je n'avais pas relevé ce point de détail. J'en étais peut-être déjà à ma troisième bière... Résultats définitifs des primaires écolos, le 12 juillet.


JMB

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