[ Ce texte tire des leçons du premier tour - ndlr ]
Pour la première fois dans l’histoire de la V° République le
président sortant n’est pas arrivé en tête au premier tour.
Avec 28,6 %
des suffrages F. Hollande devance N. Sarkozy crédité de 27,06 % des
voix. La volonté de sanctionner une politique désastreuse et le rejet
du président sortant expliquent ce résultat. Le candidat du PS
avait insisté sur l’importance du 1° tour, le « vote utile » qu’il
avait sollicité lui a été accordé.
Quant au candidat du Front de
Gauche (FG) Jean-Luc Mélenchon, il a été selon l’expression consacrée par
la presse la « véritable révélation de cette campagne », il a
réussi à faire revivre la gauche radicale éteinte depuis l’échec
terrible de 2005. Des dizaines de milliers de manifestants se sont
retrouvés lors d’immenses rassemblements et manifestations populaires,
plus importants que tous ceux convoqués par les autres candidats.
Plus significatif encore, il l’a fait sur la base d’un programme
sans concessions, mettant en avant des revendications sociales
immédiates, des propositions politiques et institutionnelles, une
solidarité internationaliste, un combat intransigeant contre la
xénophobie et le FN alors même que certains médias dits de gauche ont
cherché à le discréditer. Son score, plus de 11%, le place en 4°
position avant Bayrou, loin devant Eva Joly. C’est un évènement majeur
de cette campagne présidentielle. Aux militants déçus, du fait des
sondages qui laissaient espérer un score national de 14 à 15%, rappelons
que le candidat du FG était crédité en début de campagne de 4% des
voix, il a donc multiplié son score initial par trois et celui de
Marie-George Buffet par six comme elle-même l’a rappelé.
Les résultats
du Front de Gauche dans les grandes villes de province oscillent entre
11.09% à Paris et 15.4% à Lille, 11.8% à Lyon, 13.8% à Marseille, 15.9%
à Toulouse, 13.4% à Rennes, 13.9% à Rouen, 15.4% à Grenoble, 16.5% au Havre,
12.1% à Bordeaux, 13.2% à St Etienne, 12% à Nancy etc.
La reconstruction d'une gauche de gauche ne fait que commencer.
Nous revenons en effet de loin, et il faudra un jour prendre le temps
d'une analyse d'ensemble de la période. Entre 1983 et 2002, le PS a
basculé vers le social-libéralisme, le gouvernement de la Gauche
plurielle a privatisé plus que ses prédécesseurs, l’expérience
soviétique est passée devant le tribunal de l’histoire, la construction
européenne est devenue une arme de destruction massive des acquis
sociaux...
Aujourd'hui, l’extrême droite monte en Europe. La France
n’est pas épargnée. Les premiers succès du Front de Gauche ne sauraient
en effet faire oublier le score - 17,9% - obtenu par Marine Le Pen. Ce
vote traduit lui aussi à sa manière la volonté de se débarrasser
de Sarkozy, mais c’est sur la base d’un discours néofasciste
débarrassé des anciens oripeaux de l’extrême droite française, remplacés
par l’islamophobie de la nouvelle extrême droite européenne. En dépit
de la remarquable campagne du candidat du FG et du combat permanent
qu’il a mené quasiment seul contre le Front National, Jean-Luc Mélenchon
n’a pas pu reléguer la candidate du FN en queue de peloton. Il y a à
cela plusieurs explications qui sont importantes pour l’avenir. La crise
de la représentation politique symbolisée par la dénonciation par
Marine Le Pen de « l’UMPS » est profonde. Les déceptions provoquées
par l’expérience de l’Union de la gauche d’abord, par celle de la
Gauche plurielle ensuite, les ravages de la construction européenne
telle qu’elle est conduite depuis des années, la gravité de la crise
financière, les ambigüités et le flou du programme de F. Hollande décrédibilisent les propositions de la gauche auprès de certaines couches populaires.
La crise du capitalisme a été escamotée
par F. Hollande. Au mieux nous aurons moins de République bananière.
Mais le candidat du PS ne dérogera pas à son orientation
social-libérale, ce qui risque d’alimenter encore davantage la dérive
lepéniste.
Rappelons cet avertissement prémonitoire de Pierre Bourdieu, à
la fin des années 1980 : " Ce pur produit de l'ENA qu'est François
Hollande se faisant élire à Tulle, c'est la fin de tout ! ça veut dire
le Front national à 20% dans dix ans. " (1)
Il faut tout
faire pour battre Sarkozy. N’épargnons aucun effort pour assurer la
victoire de F. Hollande. Mais
soyons lucides. Le gouvernement de F. Hollande s’il est élu ne remettra
pas en cause le socle des politiques d’austérité, il ne changera pas la
construction néolibérale de l’UE et ne soumettra pas le nouveau traité
européen à un référendum. Seul un Front de Gauche indépendant proposant
une politique alternative et participant aux combats contre l’austérité
pourra empêcher que les déçus de la politique de Hollande rejoignent le
Front National. Rien ne serait plus néfaste que de laisser planer
l’ambigüité sur une quelconque accointance avec cette majorité
présidentielle. Voter les rares mesures progressistes est une chose,
approuver le budget d’un tel gouvernement en serait une autre.
Après
le 2° tour l’urgence sera donc de continuer à renforcer les
mobilisations sociales. Construire le FG comme une alternative politique
et démocratique, donner une perspective à des luttes populaires qui en
manquent cruellement, montrer que la gauche a tiré les leçons du passé,
qu’elle est capable de s’unir et de se regrouper dans un cadre
démocratique et pluraliste, telle est la tâche de l’heure. Le Front de
Gauche doit s’ouvrir à tous ceux qui ont pris une part active à cette campagne et qui veulent construire l’outil des victoires futures.
Janette Habel
(1) souligné par nous.
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