Aujourd’hui, si vous êtes totalement invisible sur le net, c’est suspect.
Corrélat : "Notre époque a inversé le mythe de la caverne de Platon. Pour Platon, les ombres qui défilaient sur les murs représentaient les illusions. Pour nous, les apparences et les images sont désormais la seule réalité. Exister désormais, cela veut dire être visible, être vu. D’où ce besoin de multiplier les traces de nous même sur le Net " (ibid).
Source : Enquête : un enfer nommé Facebook.
L'auteur : Nicole Aubert est sociologue, professeur à ESCP Europe et membre du Laboratoire de changement social de l'université Paris 7. Elle préside le Comité de recherche sociologie clinique de l'AISLF et le CRISHYP (Centre de recherches sur l'individu et la société hypermodernes) à ESCP Europe. Elle a co-dirigé l’ouvrage collectif Les tyrannies de la visibilité (cf ci-dessous) aux Editions Eres, 2011.
Sociologie clinique ?
Le boulot du sociologue, pour rappel, est d'étudier les pratiques sociales et l'évolution des normes sociales en s'attachant aux faits. La sociologie clinique n'oublie pas que l'humain se construit grace à ses attachements affectifs. Elle tente donc de faire la part des déterminismes sociaux et des déterminismes psychiques (imaginaires, pulsionnels,symboliques), dans les conduites des individus ou des groupes.
A propos de l'ouvrage "Les tyrannies de la visibilité" :
La visibilité est un terme qui revient aujourd'hui de façon récurrente dans le débat public. Nous vivons une injonction permanente à rendre visible ‒ à travers les médias, les réseaux sociaux, les blogs, Internet... ‒ ce que nous sommes et ce que nous faisons, sous peine d'être voués à une inexistence sociale et psychique. Pourquoi et comment l'exigence de visibilité a-t-elle pris une telle ampleur aujourd'hui ? Quelles en sont les manifestations et les conséquences à différents niveaux, celui de la société dans son ensemble, celui du travail, de la vie politique, de la façon de communiquer, celui du rapport à soi et à l'autre ? L'invisible est-il devenu inutile ? En acceptant d'être réduits à ce que nous offrons au regard, à nos seules apparences, ne renonçons-nous pas à notre intériorité la plus profonde, cette intimité de soi qu'on appelait le for intérieur ? Cet ouvrage s'attache à répondre à ces questions en montrant comment le refus de se soumettre à cet impératif de transparence révèle le désir, la volonté, le besoin de préserver quelque chose d'un espace d'expérience intérieure, fondement de l'ultime liberté de l'individu.
(Présentation tirée du Blog du Réseau "Sociologie Clinique" de l'Association Française de Sociologie)
Référence : Platon, La République, livre VII, texte intégral