dimanche 18 janvier 2015

La véridique histoire de l'usine Schaeffler de Saint-Siméon-de-Bressieux (38)

par Tof, zadiste syndiqué.


Oyez braves gens. Nous dédions cette petite histoire, presque un conte de fée dans ce monde tel qu'il leur convient, aux Perraud, Barbier, Cottalorda -respectivement maire UMP du village de Roybon (Isère), député UMP du coin, président fauxcialiste du Conseil Général de l'Isère, et à la majorité de cette noble assemblée.

Saison I


Maria-Elisabeth Schaeffler
Il était une fois une dame très riche qui s'appelait Maria-Elisabeth Schaeffler. Mme Schaeffler figurait parmi les 100 plus grandes fortunes du monde.

En 2006, notre milliardaire s'offrit la branche automobile du groupe britanique Renold plc. Ce groupe produisait des chaînes de distribution pour moteurs, sur les sites français de Calais (62) et de Saint-Siméon-de-Bressieux (38), une bourgade située à quelques encâblures du village de Roybon (9,9 km), dans le département de l'Isère.

Les installations du site de Saint-Siméon avaient la particularité d'abriter une machine-outil de haute technologie assez rare dans cette branche industrielle pour intéresser la richissime équipementière, qui ne disposait pas d'une telle machine même dans ses usines d'Allemagne.

En 2008, l'usine de Saint-Siméon faisait partie des établissements industriels à forte concentration d'emplois en Bièvre-Valloire (92 salariés) (1).

Cette année-là, Mme Schaeffler se lança dans une tentative d'OPA hostile sur Continental, un groupe trois fois plus gros que le sien à l'époque.

Mais l'opération échoua, et les deux groupes perdirent des plumes dans la bagarre : plus de 20 milliard d'euros de dettes à eux-deux en 2009-2010 (2). On écrit bien : 20 milliards d'euros.

Vous avez peut être entendu parler depuis du groupe Continental, à propos de fermeture et de lourdes pertes d'emplois...

En avril 2009, notre milliardaire pris la décision de fermer le site de production de Saint-Siméon et d'emmener ailleurs sa précieuse machine.

Les salariés du site de Saint-Siméon, eux, ne l'entendaient pas de cette oreille. Déterminés à défendre leurs emplois et l' outil de travail, ils occupèrent leur boîte à partir du 16 avril 2009, et bloquèrent le transport de la production (3) . Les habitants de Saint-Siméon et des environs les soutinrent pendant 7 semaines.

Mais notre milliardaire savait qu'elle pouvait compter sur ses amis locaux : A l'issue d'une manifestation de "soutien" aux salariés à Saint-Siméon, l'ancien député UMP local et le secrétaire syndical départemental présents tinrent un discours curieux, pour ne pas dire alambiqué, d'où il ressortait que finalement, le maintien des emplois sur le site de Saint-Siméon n'était plus vraiment d'actualité.

De guerre lasse, les salariés finirent par cesser l'occupation, le 26 mai 2009 (4).  Pour eux désormais, la seule porte grande ouverte était celle de Pôle-Emploi. Maria-Elisabeth, elle, obtint des pouvoirs publics de déménager tranquillement sa précieuse machine sous protection policière.

Ce n'est pas tout. Tout-à-la joie d'échapper à une fermeture du site de Calais, les collectivités locales de la région Nord, l'Etat, s'empressèrent de lui voter quelques subsides. Au nom du développement de l'emploi bien sûr ! (cf note 5.)

Maria-Elisabeth Schaeffler perçut donc en gage d'amitié une aide "sous forme d'avance remboursable sur 5 ans au taux de 0%" de 300.000 euros de la communauté d'agglomération, de 600.000 euros pour la Datar, et de 600.000 euros de la Région (Fonds Feder-FSI)... lors du déménagement de l'usine de Calais du centre-ville vers une zone franche à la périphérie. (cf. note 5.).

Les affaires reprirent. A Calais « 2012 a été une bonne année. L’usine a réalisé un chiffre d’affaires de 58 millions d’euros et produit 30 km de chaînes par jour. » confiait le directeur qui avait supervisé le déménagement (6) Notre milliardaire se renfloua (7).

Tant et si bien qu' en novembre 2012, la direction du groupe Schaeffler-France ouvrit à... Saint-Quentin-Fallavier, dans le Nord-Isère, un nouveau centre logistique national doté d'un entrepôt de 6000 m2, deux fois plus vaste que l'ancien qui se situait à Genas, dans le Rhône) (8).

Ainsi se termine ce petit épisode édifiant de la saga haut-de-gamme du groupe européen Schaeffler.

Maria Schaeffler et son fils Georg
Epilogue.
...L' héritier de notre milliardaire, Georg junior, avait pleins d'amis qui se pliaient aux quatre volontés de la famille Schaeffler. Georg F. W. Schaeffler eut des enfants, qui eux-mêmes...

Vous avez aimé la saison I avec Schaeffler ? Vous adorerez la saison II avec Pierre & Vacances.

Mais nous souhaiterions que Gérard Brémond (P-DG de P&V) et les co-scénaristes de son projet d'implantation à Roybon -en particuliers nos zélus locaux d'aujourd'hui, dignes continuateurs de nos zélus d' hier- veuillent bien cesser de faire la leçon aux opposants à ce projet au nom des zemplois-à-n'importe-quel-prix. Et que le souvenir cuisant du passage de la famille Schaeffler dans le coin puisse donner un peu à réfléchir à tout-le-monde, si possible. Merci.

P.S: C'est sûr, par les temps qui courent, la fabrication de pièces de bagnoles n'est sûrement pas une panacée en terme d'emploi. Et nous sommes persuadés qu'il y a des choses bien plus intelligentes à faire en la matière. Cf notes (9).

Saison II

Prologue  : En 2007, les prédécesseurs des élu(e)s cités au début -mention spéciale à André Vallini (PS) l'ancien Président du CG de l' Isère- ont royalement fait cadeau de 200 ha de la forêt des Chambaran, près de Roybon (Isère) au promoteur Pierre & Vacances, aux fins d'y implanter un "Center-Parcs".

Ce concept d'immobilier de loisir, lui-aussi très friand d'aides publiques directes et indirectes, est très gourmand en eau, en énergie, et dévoreur d'espaces naturels. Le projet de Roybon peut accueillir plus de 5000 personnes. Il menace un système aquifère exceptionnel situé très précisément au-dessous de la zone humide "protégée" où il doit être impanté. Le Massif des Chambarans est un formidable chateau d'eau. Il fournit 100 communes de la Drôme et 40 communes de l’Isère en eau potable de grande qualité. Le défrichage de la forêt a démarré au mois d'octobre 2014 sur décision préfectorale, au mépris des conclusions, clairement négatives de l'enquête officielle d'utilité publique.

Ce projet menace de disparition certaines espèces animales et végétales "protégées" (re-sic) telle l' emblématique écrevisse à pattes blanche, et la timide ophioglosse. Déforestation, drainages, voies d'accès, bétonnage et goudronnage détruiront irrémédiablement leur biotope.

Au nom de l'emploi et d'une idée très contestable du développement économique, Pierre & Vacances a comme spécialité de s'accaparer des sites naturels remarquables en s'assurant de la complicité des zélus locaux. Ces sites servent d' écrin à des lieux de résidence privés et clôturés, composés essentiellement de "cottages" (bungalows de grand confort) entourés de commerces et de services de proximité (bars, banques, supermarchés, etc). Les cottages sont répartis autour d'un dôme "aqualudique" géant baptisé "Aquamundo". A l'intérieur, l'eau est chauffée à 29 degrés 365 jours par an. P&V fait son beurre une fois sur la vente de ces cottages à des investisseurs alléchés par diverses niches fiscales, une seconde fois sur leur location aux touristes, pour le compte des investisseurs. P&V leur verse un loyer dont elle détermine le montant. Au fil des ans les loyers versés aux acheteurs baissent. Ils comptent pour une part de plus en plus faible du produit global d'exploitation des Center-Parcs.

Plus de la moitié des emplois créés pour assurer l'exploitation d'un Center-Parcs sont des emplois de nettoyage sous-payés et à temps très partiel (9h/semaine en moyenne) créés au prix fort, aides publiques incluses (240.000 € par poste). Ces emplois ne permettent pas d'assurer à eux-seuls la subsistance d'un(e) salarié(e) ■

Notes:
  1.  INSEE Rhône-Alpes 2008 : Portrait de Bièvre-Valloire 
  2.  Schaeffler_Gruppe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Schaeffler_Gruppe#OPA_sur_Continental
  3. Coup de théâtre à Saint-Siméon-de-Bressieux, sur le site des usines Schaeffler 
  4. http://www.mgrenoble.fr/2093-le-blocus-a-finalement-ete-leve-chez-schaeffler.html
  5. Inauguration de l'usine Schaeffler : le blog de Philippe Blet, président de la communauté d’agglomération du Calaisis.
  6. http://www.lavoixdunord.fr/region/calais-schaeffler-a-l-aise-dans-sa-nouvelle-usine-ia33b0n1570276
  7. http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/la-milliardaire-de-l-automobile-prete-a-tout-pour-sauver-son-empire_1366521.html
  8. http://www.ledauphine.com/actualite/2012/09/10/schaeffler-france-transfere-son-centre-logistique-en-nord-isere
  9. Quelques questions et leurs réponses relevant nos griefs contre la construction du Center Parcs de Roybon 
Sites de lutte contre le projet de Center-Parcs de Roybon et leur monde : 

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