C'est un lundi presque comme les autres.
Presque. Vous avez repris le taf entre le quai et le cul du camion. D'un coup, tellement elle est grosse, tellement elle est lourde, la boule que vous aviez dans la gorge depuis hier vous pousse à balancer sans réfléchir à ce collègue de boulot que vous détestez cordialement : les victimes de ce journal, eh ben elles le méritaient !..
L'autre répond du tac-au-tac qu'il lit Charlie-Hebdo. D'autres histoires, probablement.
Le ton monte en flèche. Si ça ne te plaît pas, je te tranche la gorge au cutter sur le parking. Et autres joyeusetés.
Durant la garde-à-vue, vous lancez aux gendarmes qui vous refusent une cigarette : "la France, je la
baise".
Plus la peine de présenter des excuses devant le tribunal correctionnel où vous passez en comparution immédiate. Trop tard pour reconnaître que vous êtes "un idiot de base", inutile de dire que vous avez pété les plombs, et que bah oui, ces propos étaient déplacés.
Cette rage intérieure, vous êtes bien incapable d'ailleurs de vous l'expliquer à vous même. Totalement. Car de votre propre avoeu, vous n'êtes ni intégriste, ni pratiquant, ni Charlie ni rien. Juste un livreur qui " fûme, bois, et rencontre des filles" après le boulot.
Le coupable de cette altercation violente, telle qu'elle nous est rapportée par les journaux locaux, est un grenoblois de 32 ans d'origine algérienne. Il a écopé de 6 mois de prison ferme pour
"menace sous conditions et transport
d'armes". Circonstances aggravantes, la police
avait trouvé un cutter dans la boîte à gants de sa voiture.
On entend d'ici d'autres Je-suis-Charlie s'exclamer dans toute leur diversitude : bah ! il l'a bien cherché ce con... ou encore : 6 mois c'est nul, moi je lui aurai collé dix ans !
Dans
sa clémence, le tribunal correctionnel a relaxé l'individu en question du chef " d’apologie
d’actes de terrorisme", en estimant que les propos tenus au sein d'une
entreprise ne sont pas publics.
Mais le parquet a fait appel de la relaxe pour ce deuxième chef d'inculpation, car il estime au contraire que le lieu de travail est un lieu public.
Mais le parquet a fait appel de la relaxe pour ce deuxième chef d'inculpation, car il estime au contraire que le lieu de travail est un lieu public.
C'est ce que l'on comprend de ce compte-rendu d'audience, en le relisant attentivement deux fois.
Proférer -en état d'ivresse- devant les flics (!) des propos à-peu-près du même niveau coûte jusqu'à 4 ans de prison ferme :http://www.lemonde.fr/societe/
On résûme. Dans cette chouette fraternité citoyenne des Je-suis-Charlie-partout, il n'y aurait donc plus guère que la taule comme remède aux maux qui rongent en profondeur bon nombre de Je-ne-suis-pas-Charlie. C'est bien çà ?
Notre 11 septembre on l' a eu. Là, on est déjà dans l' après. Bien profond.