jeudi 15 avril 2010

Retour sur l'agression contre Martin à Grenoble

Accouru au chevet de Martin, victime d'une grave agression vendredi dernier au centre-ville, le ministre de l'intérieur Hortefeux a affiché son intention de développer systématiquement la vidéosurveillance à grande échelle sur le territoire et en particulier dans les transports publics.

Compte-tenu de la marée d'indignation légitime soulevée par cette affaire, on peut penser que les projets du ministre passeront comme une lettre à la poste privatisée. La voix des opposants actifs à la "bigbrotherisation", déjà très minoritaire, est écrabouillée par le marteau pilon de la récupération politique en gros sabots. On sait très bien pourtant, à gauche et à droite, que l'effet dissuasif ou préventif de tels équipements est nul à négligeable (1) (2).
Par précaution, le maire PS de Grenoble Michel Destot en convient lui-même sur son blog :
(...) " Si [la vidéosurveillance] peut conduire à des identifications et donc à aider police et justice, elle ne peut en aucune façon empêcher les actes de délinquance." (...) mais justifie néanmoins la pose de caméras sur la voie publique, et son adjoint Jérome Safar est encore plus clair (3).

A contre-pied du choeur sécuritaire et du tout-répressif, les réactions mesurées de la famille de la victime sont d'autant plus remarquables :

(...) "Nous voulons aussi dire que nous refusons toute tentative de récupération de cette agression par quelque mouvement politique que ce soit. Nous ne sommes pas dans la haine.... Pour nous, cette explosion de violence est une conséquence des inégalités et des injustices de notre société. Ce n'est pas la peine d'aller viser, untel ou untel. Des explosions de violence de ce genre, il y en aura malheureusement d'autres." (...)
(...) " face à cette agression, qui était totalement gratuite et antisociale, les institutions de la société ont bien fonctionné et c'est un point positif que nous voulons souligner. "
  [DL,15/04/2010]

Plus inattendues, dans le registre politique qui est le sien, sont les réactions convergentes de Denis Bonzy, franc-tireur villepiniste :

(...) " L'effet Katrina(4) c'est la fin anticipée d'un mandat quand un détenteur du pouvoir perd à la fois la confiance et la crédibilité.
Il faut attendre quelques jours encore, mais c'est cet effet qui guette les pouvoirs publics dans une affaire comme celle de la violence sauvage de Grenoble.

1/ L'opinion ressent que la visite ministérielle ne règle rien.
2/ L'opinion ressent que les annonces lors de la visite ministérielle n'améliorent rien.
3/ L'opinion sait que les véritables facteurs de cette violence sont ailleurs : chômage à un taux record dans certains quartiers, urbanisme trop densifié, marginalisation des services publics scolaires dans leur fonction d'enseigner des règles de vie collective, abandon des familles de leurs fonctions éducatives ... La situation est aujourd'hui dramatique. Mais elle sera encore pire demain car ces jeunes exclus paraissent incapables d'être des adultes réinsérés ? Comment "organiser" une vie entière d'exclusion probable ?
4/ Face à ce "bon sens de la base" qui connaît les bonnes questions et cherche à esquisser quelques réponses solides,  le "jeu politique" devient un théâtre de simples gesticulations " (...)

On l'avait déjà remarqué, Denis Bonzy aime prendre son camp à revers.  Nonobstant les brumeux projets de son champion pour sortir la France de la crise, on ne peut que partager point par point ces sombres diagnostics.
Notes:
  1. Raphael Massi : Les mythes de la vidéosurveillance
  2. Olivier Bertrand (élu Vert, CG38) : Vidéosurveillance, Hortefeux s'adresse au bas-ventre
  3. Michel Destot : Suite à l'agression d'un jeune grenoblois... "Nous allons implanter des caméras de vidéosurveillance qui ne sont pas destinées à la gestion des flux de circulation sur trois secteurs de la ville : le jardin de ville, le village olympique et la Capuche » J.Safar en réunion publique.
  4. Denis Bonzy : L'effet Katrina, impuissance et indifférence
    Selon lui et d'autres observateurs, après l'ouragan qui a détruit la Nouvelle-Orléans , l'impuissance de l'administration Bush aurait précipité sa fin et annoncé sa défaite future face à Barak Obama.
A consulter:
Cette étude de l' INSEE, qui indique que près d'un quart des grenoblois de l'agglomération vivraient sous le seuil officiel de pauvreté.

COMMENTAIRES : Les commentaires étant modérés il peut y avoir un délai dans l'affichage. C'est la seule méthode efficace pour éviter le SPAM. Il n'y a pas besoin de soumettre à nouveau votre commentaire. Merci de votre compréhension.

Dernier article

Contre le business des réseaux sociaux privatifs et leurs nuisances

Quatre ans après la première édition de ce texte en avril 2013 (!) les réseaux sociaux privatifs ont tout bouffé (dans l'espace pub...