vendredi 25 novembre 2011

Pour un vrai débat et un référendum sur le nucléaire

par Hendrik Davi (1)

Un premier constat : Europe Ecologie Les Verts (EELV) abordait la discussion avec des conditions dites «incontournables » pour un accord, et pas uniquement sur la question énergétique : l’abrogation de la réforme Fillon sur les retraites, une 6ème République, le non-cumul des mandats, l’arrêt du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ... Ils sont ressortis avec une « dose » de proportionnelle, une promesse de 15 à 30 députés... et un « droit » à la retraite à 60 ans pour «ceux qui auront cotisé»... Autrement dit, négocier actuellement un accord de « législature » avec le PS et chercher un groupe parlementaire par ce biais, c’est au prix d’une acceptation de la ligne fixée par Hollande : pas d’incartade avec la « rigueur » réclamée par les marchés.

Ce qui s’est passé sur le nucléaire fut ensuite dans la même logique. Ayant accepté de mettre de côté une sortie programmée du nucléaire, le moratoire sur l’EPR fut rejeté et la reconversion de la filière MOX (le combustible le plus toxique, issu de l’industrie française du retraitement) remise en cause après un rocambolesque épisode. Des interventions de toutes sortes des représentant-e-s d’EDF ou d’Areva ont mis la pression sur le PS, s’immisçant dans la négociation entre les deux partis. Du jamais vu, révélateur de la force de l’industrie nucléaire, élément clé et source d’énormes profits dans l’oligarchie capitaliste française. 

C’est aussi révélateur sur la perméabilité du PS aux pressions des puissances économiques. Si, même dans l’opposition, il n’offre qu’une si faible ligne de résistance, qu’en sera-t-il s’il est au pouvoir, sur l’énergie, mais aussi sur tous les autres dossiers économiques et sociaux ?

Pourtant, aucune reconversion énergétique n’est possible si on est incapable d’une politique volontariste s’appuyant sur des choix démocratiques, pour contrer les logiques productivistes et les intérêts des actionnaires des entreprises du secteur énergétique, nucléaire ou pétrolier, (Areva, EDF, GDF Suez, Total ...).

24 centrales fermées, trop ou pas assez ?

Il reste cependant dans l’accord un point que font valoir les écologistes : la fermeture d’ici 2025 de la moitié des centrales actuellement en activité. C’est peu au regard d’un projet de sortie programmée, surtout si c’est la fermeture de vieilles centrales pour ouvrir des EPR réengageant l’avenir sur 60 ans. Mais cette toute petite brèche semble encore trop pour les tenants du nucléaire à tout prix, et pour la droite de Sarkozy qui les défend bec et ongles. Ils ne vont pas lâcher l’affaire, et chercheront à empêcher par tous les moyens sa réalisation si le PS accède au gouvernement. Ils vont pilonner la campagne de 2012 de toute leur désinformation. Les PDG d’EDF et d’Areva s’en chargent, multipliant les fausses informations, dans tous les medias (où ils sont souvent actionnaires),  sur les emplois perdus, les coûts, le réchauffement climatique...

Dans ce débat confisqué, les contre-arguments plaidant pour la reconversion ne sont pas entendus : le maintien des emplois pour toute la longueur de la reconversion et du démantèlement des centrales ; des créations d’emplois dans les énergies renouvelables et l’occasion d’investissements dans ce secteur ; les coûts et dangers de la prolongation de la durée de vie des centrales; le prix de leur inévitable démantèlement; l’absence de solution pour la gestion des déchets ; les choix différents faits récemment dans d’autres pays d’Europe ou dans le monde (la part du nucléaire dans la production énergétique mondiale est très faible). On peut se faire une idée, en lisant le scénario Négawatt, de la possible et nécessaire révolution énergétique que nous devons entamer.

Si le débat public avait vraiment lieu, on pourrait l’engager avec les organisations syndicales majoritaires dans le secteur, qui semblent hélas toujours hostiles à la reconversion énergétique et à la diminution du nucléaire, même celui prévu « a minima » dans l’accord Verts/PS.
Nous le savons, le Front de Gauche, comme le reste de la gauche, est divisé entre partisan-e-s d’une sortie programmée, - dont nous sommes – et partisan-e-s d’un nucléaire public et sécurisé. Mais les tenants de la seconde solution voient bien qu’on ne peut faire opposition commune à la reconversion avec l’argumentation d’EDF ou d’Areva. Eux, ce qu’ils ont en vue, c’est la possibilité d’ énormes bénéfices pour ces entreprises privatisées, avec une gestion au moindre coût et donc à la moindre sécurité. Les profits d’abord, l’Humain après.

Prendre le peuple à témoin 

Par contre, la proposition commune à tout le Front de gauche prend une nouvelle portée : initier un grand débat public national sur la politique énergétique conclu par un référendum: sortie du nucléaire ou maintien d’un nucléaire sécurisé et public, un choix si important qu’il ne peut être tranché que par les citoyens.
L’épisode PS/EELV le démontre : ce débat ne peut être réduit à une négociation électorale pour des postes d’élu-e-s. La société civile doit pouvoir décider en connaissance de cause. Elle doit être informée clairement des risques, des coûts associés à chaque hypothèse, des implications sur le mode de vie de tel ou tel choix.
Jean-Luc Mélenchon a adressé un courrier aux autres candidats de gauche pour leur proposer d’avancer ensemble dans cette voie (en lien ici). Les premières réponses n’ont pas été très positives : le PS n’y répond pas, le NPA rejette le principe d’un référendum, EELV considère que c’est par le biais du vote E. Joly que se fera l’expression démocratique... Mais l’idée semble avancer depuis les blocages entre PS et écolos. Parmi d’autres, Daniel Cohn-Bendit, qui a expliqué qu’un président digne de ce nom devrait « lancer un grand débat national sur l’énergie, la sobriété énergétique et le nucléaire, et prendre les citoyens à témoin par un référendum ».
La question doit donc revenir au coeur de la campagne du Front de gauche. Contre la droite, porte parole directe des marchands du nucléaire. Pour une transition énergétique, écologique et sociale par une planification écologique. Pour la démocratie enfin.

(1) Militant de Convergences et Alternatives, courant unitaire anticapitaliste membre du Front de Gauche.
les passages soulignés sont de la rédaction

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